Lorsque l’on me questionne sur ma pratique d’ostéopathie et que je commence à parler de fasciae il est fréquent que je vois les confusions s’installer ou alors le visage de mes interlocuteurs devenir subitement blême ... et guère plus de succès si je parle d’aponévroses, de tissus ! Cet aspect de notre anatomie est totalement ignoré et n’est même que peu abordé en médecine, à l’exception de la chirurgie. Aussi je comprends que peu de personnes en connaissent même le mot, et pourtant les fasciae assurent le lien, la cohérence de l’ensemble de notre organisme ….
Souvent les explications « mécanistes » aux gestes pratiqués ont plus de facilité à être comprises (vous êtes « coincé » et hop , la manoeuvre décoince …), elles sont davantages dans les références de vie de chacun. Malheureusement (pour moi), j’ai abandonné l’utilisation des techniques dites structurelles (celles avec lesquelles on « décoince », avec un grand « crac » généralement ) parce que bien souvent inutiles (on peut faire autrement), pas adaptées à toutes les populations ni à tous les âges, et surtout parce qu’elles ne permettent pas à la personne qui est sur la table d’apprendre quoi que ce soit de ce qui se passe. En effet, je considère qu’une partie de mon travail consiste à permmetre aux personnes qui viennent me voir d’apprendre quelque chose d’eux ; or, en utilisant une manoeuvre qui prend le cerveau de vitesse (les techniques de « cracking »), rien ne s’apprend, ce qui est totalement différent lorsque l’on utilise des techniques basées sur le ressenti et l’attention … mais j’aurai l’ocasion de détailler ces idées dans un prochain billet.
Revenons aux fasciae … Celui qui s’est déjà plongé dans un livre d’anatomie sait que l’on peut passer une vie à apprendre et comprendre le fonctionnement de la structure de notre corps (sans parler de sa physiologie !) : analyser le rôle de chaque muscle (sa fonction, l’orientation de son travail, l’amplitude des articulations, et plus largement des chaines musculaires. Mais cette description, statique, fruit de la longue histoire de la médecine et de la pratique de la dissection, n’a rien à voir avec la façon dont les choses sont dans leur réalité, vivante, en mouvement …
Les fasciae ont cette particularité de constiuter un immense réseau de circulation entre tous les organes, os, vaisseaux de notre corps ; structure étrange qui présente tantôt des qualités élastiques, tantôt des qualités liquidiennes (et comme le disait Henri Laborit, notre corps transporte en lui un peu de l’ « océan des origines», celui qui a donné naissance à la vie) ; on parle dans le domaine scientifique de Matrice Extra Cellulaire : un lieu où circulent les protéines les plus anciennes, celles qui sont le plus indispensables à la restructuration de tout notre corps.
Travailler les fasciae c’est apprendre à reconnaître : les plans de glissement des différents muscles et organes les uns par rapport aux autres, l’élasticité particulière des tendons, des ligaments et de toutes les structures de notre corps vivant, c’est aussi de provoquer les mises en tension justes nécessaires pour favoriser la libération des crispations résultantes d’un choc, d’une erreur dans la dynamique d’un mouvement, d’un stress ou d’une attitude caractérielle, de postures inadaptées installées avec les années.
Pour ce familiariser avec ce monde, je vous invite à suivre ce documentaire, (avec une mise en garde pour les personnes que la vue du sang peut choquer) : Promenade sous la Peau réalisé par le Dr Jean-Claude Guimberteau.
Ce film est réjouissant et va intéresser tout autant un public novice qu’averti. Il nous montre les formidables qualités d’adaptation de notre corps, mieux les capacités d’auto-organisation qui sont à l’oeuvre. Personnellement, j’y trouve comme une occasion de méditer sur la pratique thérapeutique : intervenir juste ce qu’il faut pour permettre à notre corps de faire l’essentiel, naturellement (lorsque ceci est possible, bien entendu !).