Voici peu, je suis retombé sur un reportage (qu’Arte avait diffusé en 2005) à propos des travaux de la Paléoanthropologue Anne Dambricourt Malassé et qui avait à l’époque, tout à la fois, bousculé mon regard sur l’évolution de la lignée humaine et conforté mon travail en ostéopathie (où, il faut bien reconnaître que les enseignements laissent parfois place à des théories plus ou moins douteuses, et notamment lorsqu’il s’agit de l’approche crânienne …). C’est ce que je souhaite partager aujourd’hui ...
Pendant toutes mes études de psychologie je me suis passionné pour les théories de l’évolution (sans doute déjà un vague pressentiment que les forces qui nous gouvernent sont bien plus importantes que l’on ne veut bien l’admettre en général) et c’est ainsi que j’ai approché les travaux d’André Leroi-Gourhan à travers l’un de ses ouvrages, une référence : Le Geste et la Parole. Jusque là tout était en place : se sont les modifications de l’environnement (le passage de la forêt à la savanne africaine) qui ont amené l’évolution de la lignée humaine par la bipèdie ; et ce chercheur d’énoncer la formule « nous avons débuté par les pieds » pour en déduire des conséquences en cascade : redressement de la colonne vertébrale et libération du membre antérieur, alègement des attaches de la mâchoire, postériosisation du trou occipital et déploiements du volume crânien, libération du pharynx et possibilité du langage, de la main et des outils, naissance de la culture (« la sociologie prend le relais de la biologie »). Tout ceci satisfaisait pleinement l’étudiant que j’étais (où je privilégiais, comme c’était la tendance, l’importance du « milieu » pour comprendre les désordres humains, tout autant que le pratiquant d’arts martiaux qui expérimentait chaque jour l’importance des appuis sur le sol (et le placement du « hara » en particulier).
Pour les passionnés, une très jolie émission (document INA) reprend la théorie de ce grand paléoanthropologue, elle est accessible ici.
Or, les travaux d’Anne Dambricourt viennent bousculer cette vision encore largement répendue pour énoncer que l’évolution serait le fruit d’un processus interne, indépendant des modifications du milieu (ou que le milieu, s’il a certes une influence, n’en est pas le moteur principal). Pour elle la clef de l’évolution se situe dans la modification progressive de cet os particulier qui se trouve au centre du crâne : le sphénoïde. Ce qui est vraiment étonnant c’est qu’elle a prédit, sur la base d’un modèle mathématique (celui de René Thom), toutes les grandes étapes de l’évolution de notre lignée humaine …
Ce reportage a fait couler beaucoup d’encre et l’opposition a été grande (il n’est qu’à voir la postion des invités à la suite du documentaire : présenté comme un débat ce qui s’apparente davantage à un procès à charge … ) tant cette nouvelle théorie vient questionner le processus de l’évolution humaine ; quel est le mécanisme à l’oeuvre : hasard, déterminisme, auto-organisation ?
Pour compléter ce reportage je vous engage à lire une interview d’Anne Dambricourt réalisée par Patrick Van Eersel qui permet de mieux comprendre ses références théoriques, ici, et pourquoi pas d’en visionner un second, de 2013, (qui a le mérite de laisser place à l’approche d’une autre paléontologue, Yvette Deloison, qui parle elle de l’importance de nos pieds …) ; comme quoi nous ne sommes pas au bout de comprendre comment les choses fonctionnent, démarrons-nous des pieds ou de la tête ? sans doute un dialogue qui va de l’un à l’autre comme me le laisse imaginer ma pratique des gymnastiques Feldenkrais et Ehrenfried).
Aussi, la prochaine fois que vous irez chez un ostéopathe comprendrez-cous pourquoi il passe ce temps à travailler autour de votre crâne …
Enfin, pour les passionnés de paléontologie, il y a aussi cette découverte récente dans la grotte de Brunniquel qui vient remettre en cause ce que l’on croyait savoir sur l’homme de Neandertal, c’est ici. Bon visionnage et à bientôt.