Dans la continuité d’un billet récent sur le thème « notre cerveau ne fonctionne pas comme on l’imagine !» (et qui a provoqué quelques commentaires dubitatifs, c’était bien le but), je vous propose aujourd’hui de découvrir des travaux (qui remontent à près de 20 ans environ), ceux d’un chercheur méconnu du grand public qui s’est intéressé à la façon dont notre cerveau intègre des mouvements complexes (ce qu’on appelle la proprioception) : Jean Pierre Roll. Il est (ou fut) enseignant à la faculté des sciences d’Aix-Marseille et directeur de recherches pour le CNRS (et je crois que la politesse voudrait qu’on associe son épouse Régine à l’ensemble de ses travaux).
Si l’on sait depuis longtemps maintenant que les mouvements que nous effectuons sont réalisés par l’activité électrique de neurones spécifiques de notre cerveau (les neurones moteurs), il apparait que ce n’est pas l’activité de ces neurones, ou celle issue des fibres sensitives des muscles en action, qui nous « informe » du geste ou du mouvement que nous sommes en train de faire.
Autrement dit, quand on fait un geste et que l’on contracte un muscle, ce n’est pas cette activité musculaire qui nous rend conscient du mouvement effectué. Ce que démontrent les travaux de Jean Pierre Roll (et des collaborateurs de son labo), c’est que la conscience du mouvement trouve son origine au niveau de l’activité des muscles « antagonistes », c’est à dire ceux qui s’étirent ou s’allongent en proportion du muscle que nous activons.
Si bien sûr, ces mécanismes intéressent les centres de notre cerveau qui gèrent automatiquement nos mouvements et leur régulation, il m’apparait que ces connaissances ont des conséquences pratiques dans nos vies. Par exemple, de nous apprendre à mieux distinguer notre intention d’action (« aller vers ») et la façon dont nous organisons notre action (souvent « crispée » vers l’objectif).
Ainsi, pouvons-nous penser à accroître la conscience que nous portons aux gestes que nous réalisons : Atténuer notre tendance à focaliser sur ce que nous faisons (ce qui met en tension), pour orienter plutôt notre attention vers ce qui facilite le mouvement ( ressentir la sensation d’allongement, la facilité dans le geste) … cet aspect ne surprendra pas quelqu’un qui pratique la Gym Ehrenfried j’imagine, et de faire le lien avec ce qui est proposé dans chaque cours.
Pour mieux illustrer les travaux de ce chercheur, voici une conférence qu’il a donnée à la fin de l’année 2016 à l’université de Dijon (pour des étudiants en STAPS) dont le thème porte sur l’écriture.
Attention cette conférence est un cours, le style est donc un peu austère, néanmoins ce qui y est énoncé vaut la peine ; elle peut aussi paraître ardue si l’on n’est pas familier avec les sciences (et dans ce cas je vous suggère de sauter les 15 premières minutes consacrées à une analyse des mécanismes de l’écriture puis à une présentation de la physiologie du mouvement. l’essentiel vient ensuite).
Bonne séance :
Enfin pour ceux qui souhaitent aller plus loin, des articles de Jean Pierre Roll :
- « la proprioception un sens premier » (conférence Lyon 2005)
- « à la recherche du corps perdu » (Cerveau & Psycho 2004)