Hommage à François Roustang


François Roustang s'est éteint à la fin de ce mois de novembre ...

Cet homme, inclassable, au parcours étonnant - philosophe de formation, passant une partie de sa vie chez les jésuites, les quittant  pour devenir psychanalyste, puis rompant avec son école pour se tourner vers l'hypnose qu'il utilise dès lors dans le cadre de ses thérapies - aura proposé des vues éclairantes et novatrices sur la pratique de la psychothérapie, ainsi que sur les mécanismes du changement. Erudit, grand lecteur, fin connaisseur, entre autres, des philosophes grecs et de la pensée extrême orientale, il laisse entrevoir de nombreuses influences à sa réflexion, sans jamais revendiquer un attachement à une école en particulier.

qu'est ce que l'hypnose

En hypnose il aura proposé des visions d’une finesse rare et je ne peux que recommander la lecture de ce très joli texte : "qu'est ce que l'hypnose ?".


Pour lui rendre hommage, je souhaite mettre en lien quelques émissions auxquelles il participa. 


La première eu lieu sur France Culture en octobre 2012 à l'invitation de Frédéric Lenoir pour son émission Les racines du Ciel.  Lors de celle-ci François Roustang y développe l’une de ses thèses : le mythe de "la connaissance de soi".  Cette émission est instructive car il y aborde de plusieurs façons sa pratique de l'hypnose et il est remarquable de constater combien ses propos surprennent ses interlocuteurs, tentés bien souvent de raccrocher leurs positions à des schémas qu'ils maîtrisent mieux.



La seconde est plus récente, il est déjà plus âgé, invité par Raphaël Enthoven sur Arte : une occasion encore de l'entendre parler de ce que l'hypnose est pour lui. Ccet enregistrement est le seul que j’ai trouvé, il est "pastillé" à l’excès (pour en faire un support de formation manifestement, désolé !), l’interviewer en fait ausi souvent beaucoup trop et c’est agaçant, reste que l’on peut se focaliser aisément sur les propos de François Roustang …).


J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer combien l’impact de son livre La fin de la plainte fut important sur mon parcours. Pendant longtemps la citation, bien célèbre maintenant, et placée en exergue de son livre, de Gao Panlong (penseur et philosophe confucianiste de l'école de Donglin, vers 1600 en Chine), est restée une source de méditation : 

"c'est le corps tout entier qui est l'esprit"


9782738107589

Une formule qui vient renverser notre conception bien occidentale du monde. Une conception qui privilégie la puissance intellectuelle et laisse entendre que le corps n’est qu’accessoire à l’expression de la pensée : une machine au service de l'esprit … Ici la proposition est la primauté de la corporéité, un matérialisme où l’esprit n’est qu’un aspect d’un fonctionnement plus global, peut être même plus essentiel ... 

D’ailleurs une autre citation, plus radicale, de Roustang cette fois-ci, est encore plus explicite : «  Au lieu de poser l’âme et le corps comme des substances à réunir, ce qui conduit l’Occident à penser que leur séparation est possible, la tradition chinoise, par exemple, se borne à distinguer avec constance le corps vivant et le cadavre ».

Aujourd’hui, cette phrase de Gao Panlong, je la crois incorporée tout entière au coeur de mon travail.


Enfin, dans l’avant propos de ce recueil de textes Roustang propose une série d’exercices pour soi, une prophylaxie en quelque sorte : 

- « faire taire toute intelligence séparée du corps, toute conscience qui viendrait prétendre à quelque connaissance qui ne serait pas l’ effet de l’intelligence du corps »

- changer la relation pour : « une relation où pour un moment un être humain est reconnu dans son pouvoir et dans ses limites, où rien n’est exigé que d’être là dans son propre espace » (…) « inviter ou provoquer à la justesse, à être ce qu’est chacun et rien d’autre »  (…)

- modifier sa position : «  il s’agit non pas d’être d’accord, mais d’être en accord » (…) « partager le mouvement même des choses et des êtres, y trouver la singularité à force de s’y perdre, ne pas forger sa place, mais attendre qu’elle se forme et qu’elle nous soit octroyée. »


Pour les plus curieux, avec mes amies de l'association Paradoxes, je voudrais rappeler les deux premières règles de son "petit guide du changement" que l'on trouve à la fin du livre : je vous les laisse découvrir sur leur site ...


La présence intellectuelle de François Roustang va manquer, heureusement restent ses écrits ...

© Jean-Philippe Véron 2015